Le Blog de Denis Sigur

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mercredi 3 février 2010

Lorsque l'enfant était enfant...

Je ne m'aventure que très rarement en terre de Poésie. C'est, pour moi, un art bien délicat et subjectif dans lequel il est plus facile d'écrire de mauvaises choses que de créer des images dignes de susciter des émotions. Difficile de ne pas tomber dans le cliché, la mièvrerie, la rimaille vaille que vaille. D'ailleurs, je n'apprécie pas la poésie où la rime fait office de loi et se retrouve sans surprise tout au long du texte comme les bornes kilométriques sur une autoroute. Lorsque je lis ou que j'écoute un texte poétique, j'aime que la rime me rappelle un autre mot, comme un écho, le fugace souvenir d'un mot rencontré quelque part sur la route empruntée. Un peu comme dans un voyage au cours duquel la soudaine vision d'un paysage vous fait songer que vous l'avez déjà vécu, que vous êtes déjà passé là, juste avant que cette sensation ne disparaisse tout aussi brusquement qu'elle était venue.
Malgré tout, il m'arrive donc parfois de tenter quelques incursions en ces terres étrangères. Je vous propose ce texte, Toboggan, parce qu'il fait, à mon sens, écho à la nouvelle "Sinfonia".

Pour l'anecdote, "Toboggan" a reçu le deuxième prix du concours de poésie de la Ville de Toulouse en 2006, dans le cadre du Marathon des mots.
La nostalgie des territoires de l'enfance, le regard posé par l'adulte sur ce monde quitté de force et désormais inaccessible... Je me souviens de l'émotion, toujours intacte encore aujourd'hui, lorsque j'entendis pour la première fois, le magnifique texte de Peter Handke, "Lied vom kindsein" en ouverture du film de W. Wenders, "Les ailes du désir": "Als das Kind Kind war..." comme une mélopée dite par une voix d'homme, grave et emplie de tendresse pour cet enfant qu'il a été. Je ne parle pas allemand, ni ne comprend cette langue mais je ne me lasse pas d'entendre ce texte. Bien sûr, depuis j'ai trouvé sa traduction et compris son sens. Je n'en suis que plus captivé par sa mélodieuse ritournelle...



TOBOGGAN


Une rue, un jardin de quartier
Du toboggan
Comme d’une plaie au côté
Coulent des myriades d’enfants
Qui se laissent glisser
Dans des rires insouciants
Descendus du ciel à la terre
Comme la lave du volcan
Anges crachés des enfers
Flocons de cendre et duvet blanc.
Ils se relèvent, ahuris
Et se frottent le derrière
Pour plonger dans un cri de furie
Sur les chevaux à bascule
Équidés sans esprit d’équité
Et tout quitter
Pour partir à la guerre.
Ils s’assoient sur ce monde qui vacille
Innocence fragile et crédule
Quand tout n’est que matière
Matière à penser
Pour panser les plaies
De la chair à canons, de la chair à pâté
Si loin des pâtés de sables
Et des ronds tourniquets
Si loin qu’on dirait une fable
Dont on peut se moquer.

Un jour, on saute à la corde
L’autre, on va se pendre.
On ne sait jamais rien des lendemains qui mordent
On sait seulement qu’on doit s’y attendre.
Et cela fait de nous
Des êtres vieux aux cœurs méchants
Qui laissent filer sur le toboggan
Des vies qui les ont mis à genoux

Quand vient le soir, que la nuit tombe
C’est faute d’espoir que l’on succombe

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