Le Blog de Denis Sigur

Le Blog de Denis Sigur

Revue de Presse, revue d'effectif...

Cette page est en cours de construction. Elle recensera tous les articles de Presse se rapportant à la parution de mes écrits et aux activités de l'Atelier de Cyrano.
Pour commencer, voici l'intégralité d'une interview donnée au magazine "L'ours Polar" dans son numéro 49 de juillet 2009. Pour en savoir plus sur cette revue consacrée au Polar et au Thriller vous trouverez le lien vers son site Internet dans la rubrique "Pour continuer la visite de mes territoires..."

Interview Denis Sigur par Christophe Dupuis à propos de :



« Petit traité de savoir vivre à l’usage de ceux qui vont mourir »



aux éditions Edilivre-Aparis 2008






Alors, de nombreux métiers avant de devenir écrivain public et correspondant de presse… de nombreuses activités connexes à l’écriture, visiblement…



Oui, effectivement toute mon activité aujourd’hui tourne autour de l’écriture, dans des registres divers. La rédaction d’articles demande de la concision, d’aller droit à l’essentiel de l’information. Le travail d’écrivain public, que ce soit pour rédiger des courriers ou des textes à caractère biographique demande que l’on fasse abstraction de soi, de son propre style pour entrer dans la peau de celui ou celle pour lesquels on écrit, un peu comme l’acteur investit son rôle. Alors, après toutes ces contraintes, ces frustrations, l’écriture personnelle s’en trouve stimulée. C’est comme on cheval auquel on lâcherait soudain la bride après l’avoir empêché de galoper jusque là.



Ceci dit, comme vous le faisiez remarquer, je n’ai pas toujours travaillé dans l’écriture. Je dirais même que c’est quelque chose qui est arrivé sur le tard. Avant cela, comme beaucoup j’ai exercé de nombreux boulots : saisonniers pour les vendanges dans les Corbières et la cueillette des prunes dans l’Agenais, vendeur de jouets, homme à tout faire dans un fast food, commercial pour une radio locale, surveillant dans un collège, éducateur sportif et accompagnateur en montagne, formateur…





Dans "Mort sans crédits", les enfants en veulent à “un père qui n’est jamais à la maison, toujours en reportage à droite à gauche, ou alors trop absorbé par le dernier roman en chantier“… rassurez-moi, vous ne parlez pas de vous ?



En quelque sorte. Non que ces lignes décrivent ma réalité mais plutôt ma crainte de voir ce que ma vie de famille pourrait devenir si je ne mettais pas de limite à mes activités personnelles, l’écriture en l’occurrence. Quand on est journaliste ou correspondant de presse il faut être disponible à tout moment. Il arrive souvent qu’on soit appelé sur le terrain le soir ou le week-end. Et quand l’envie ou le besoin d’écrire vous prend, vous pouvez vous enfermer pendant des heures en tête à tête avec votre ordinateur, alors que dans la pièce d’à côté vos enfants grandissent sans vous. C’est comme si vous étiez déjà mort d’un certain point de vue. Et c’est ce qui arrive à mon héros. J’en ai connu beaucoup, des morts vivants au plan social parce que trop investis dans leurs activités professionnelles. Ils sont là sans être là, comme des fantômes au milieu des leurs. C’est effrayant. Je ne voudrais jamais devenir comme ça…



De quand datent vos premières nouvelles et qu’est-ce qui vous a poussé à l’écriture ?



J’ai grandi dans un milieu où l’écriture et la littérature étaient vénérées. Ma mère était institutrice dans une petite école de campagne. Notre logement de fonction était attenant à l’école et le soir venu, la salle de classe devenait une pièce supplémentaire de la maison. Encore en couche culottes je trainais dans une salle de jeu remplie de livres… A quatre ans je savais lire et écrire sans que personne ne s’en soit aperçu, simplement en écoutant ma mère apprendre à ses élèves de CP. Ca fait très « Pagnol » tout ça ; pourtant je vous jure que c’est la vérité ! Alors j’imagine que cette nécessité d’écrire vient de là. Dans mon enfance, l’écrivain avait valeur de demi-dieu. Alors quand ceux de mon âge rêvaient de devenir pompiers ou aviateurs, moi je voulais être écrivain… Au collège, puis plus tard au lycée, j’écrivais des histoires abracadabrantes, des trucs prétentieux et ridiculement mauvais ; et j’obligeais mes camarades à les lire. Les pauvres ! Je les ai traumatisés ! Trente ans plus tard j’ai retrouvé certains d’entre eux qui se souviennent encore des ces lectures ! Heureusement, ils ne sont pas rancuniers. La plupart ont demandé à lire le « Petit traité… ».



Avec l’âge, j’ai évolué. J’ai commencé à devenir critique par rapport à ce que j’écrivais, à retravailler mes textes. Du coup, j’écrivais plus pour moi que pour les autres et je ne montrais presque plus mes textes. J’ai peu à peu abandonné l’idée que j’étais un génie de la littérature pour devenir un écrivain… pudique.



Ma première nouvelle publiée date de 1987. J’étais par hasard tombé sur une revue spécialisée, « N comme Nouvelles » qui proposait un concours sur le thème du crime parfait. J’ai envoyé un texte dans lequel le narrateur s’adressait au rédacteur en chef de la revue pour lui expliquer de quelle manière il allait le tuer et remporter le prix. J’imagine que le rédacteur en chef a eu peur : ils ont créé un prix spécial pour mon texte (Accusé de déception) et publié la nouvelle. Le numéro suivant la revue disparaissait des kiosques ! Et moi je m’éloignais un temps de l’écriture pour me consacrer à la vraie vie… Ce n’est qu’en 2005 que j’ai décidé de refaire des concours de nouvelles et de chercher à me faire publier. Entre temps, l’écrivain pudique était devenu écrivain public…



Dans “Chutes en cascades“, vous parlez des concours de nouvelles, vous en avez fait de nombreux ? en pensant aux membres du jury comme indiqué ?





Comme je vous l’expliquais je ne me suis remis à l’écriture qu’en 2005. J’ai proposé, sans trop y croire, une nouvelle à votre revue qui a publié « Un tueur renchérit » dans son numéro 34. Ce fut une sorte de déclic. L’année suivante j’ai participé à douze concours. J’ai gagné des prix sur huit d’entre eux. D’autres revues consacrées à la nouvelle ont accepté les textes que je leur proposais, comme « Hauteurs » ou « Rue saint-Ambroise ». J’ai continué les concours de nouvelles avec plus ou moins de réussite. Mais non, je n’ai jamais tenté de « séduire » le jury. C’est impossible de prévoir à l’avance. Je l’ai compris le jour où j’ai vu un de mes textes refusé en première lecture d’un concours et recevoir le premier prix deux mois plus tard sur un autre ! Le genre de truc qui vous permet de garder les pieds sur terre et de rester humble…




Vous y parlez aussi de l’écriture, la page blanche (“le plus dur, c’est de commencer“), l’idée, la construction “J’écris mes textes comme je ferai une recette de cuisine ; sans cesse en train d’ajouter des ingrédients au fil de mon inspiration. Le tout, c’est qu’il ne faut pas que le soufflet retombe.“…





J’aime l’humour et l’autodérision. Dans la nouvelle que vous évoquez je me suis amusé à me dépeindre comme un besogneux de l’écriture. Je voulais démonter la posture de l’écrivain, régler son compte au prétentieux que j’étais dans ma jeunesse. Et puis, au fond, c’est vrai que dans l’écriture de nouvelles on en vient parfois à utiliser des ficelles, des recettes que l’on assaisonne à sa façon, selon l’inspiration du moment. C’est vrai que le plus dur c’est de commencer. C’est comme ça dans l’écriture comme pour tout le reste. Personnellement, je n’ai jamais connu l’angoisse de la page blanche, pour la simple raison que je m’y refuse. Quand je m’installe à mon bureau, si l’amorce ne vient pas, je n’insiste pas. Je passe à autre chose





On ne lit que des nouvelles de vous, pas de roman ? La nouvelle est une distance qui vous plaît ?



C’est vrai que pour l’heure je me sens très à l’aise dans ce format. D’une part parce que la nouvelle est un défi à relever, d’une grande exigence. On peut à la rigueur écrire un roman médiocre dans son ensemble sans que cela se remarque de manière choquante. Un texte court ne supporte pas la moindre faiblesse. La nouvelle doit être réussie ou ne doit pas être ( ;-o)). C’est comme dans la course à pied : vous pouvez tout à fait boucler un marathon de manière honorable en ayant eu des baisses de régime sur le parcours. Sur un sprint, ou le chrono est au rendez-vous ou votre effort n’a servi à rien…



D’autre part, et pour être tout à fait honnête, pour l’heure je me suis cantonné à la nouvelle parce qu’avec cinq enfants à la maison il m’est difficile de me fabriquer un emploi du temps acceptable pour s’attaquer à un roman. J’ai plusieurs chantiers de roman en cours. Plus tard peut-être. J’ai le temps : il faut avoir un certain âge pour postuler à l’Académie Française ( ;-o)





Quelle a été la genèse de ce recueil ? Vous avez choisi le thème et écrit autour ou est-ce à la lecture de quelques-unes de vos nouvelles que vous vous êtes dit qu’il y avait un thème commun et de quoi le développer ?



J’avais effectivement remarqué que le thème de la mort revenait souvent dans mes nouvelles. Mais l’idée du recueil m’est venue au cours de l’été 2007, à l’époque de toutes ces polémiques autour de l’euthanasie du droit à mourir dignement. Je suis un partisan de la légalisation de l’euthanasie et du droit à la dignité en fin de vie. L’hypocrisie politique sur le sujet m’exaspère. Je trouve que nous vivons dans une société où il serait de bon ton de gommer tout signe de vieillissement, de maladie, d’handicap, d’anormalité, pour tout dire. Nous avons, nous, êtres humains, conscience de notre fin prochaine. Jusqu’à preuve du contraire c’est ce qui nous différencie de l’animal. Vouloir supprimer cette conscience reviendrait à créer une humanité privilégiant sa… bestialité. Nous allons mourir ? Et alors ? N’est-ce pas cette connaissance qui donne toute sa saveur à notre existence et permet une vision juste des priorités de la vie ? D’où le titre volontairement provocateur du « Petit traité… », comme un pied de nez à la tartuferie bien pensante qui tente de régir notre société.



Il y en a de très très noires sur la mort… vieillissement, mort de soi (ce que chacun sait), perte d’un être cher (l’azur de mes ténèbres)… un thème qui vous obsède ? Ces nouvelles, c’est un exutoire ?



Je ne crois pas qu’il s’agisse d’une obsession. J’ai effectivement été amené à côtoyer la mort à plusieurs reprises, souvent celle d’êtres proches. C’est donc normal que le thème m’interpelle et que j’aie longuement réfléchi sur la signification de la mort et les différentes façons de l’aborder. Mais non, les nouvelles ne sont pas un exutoire particulier pour moi vis-à-vis de ça. A une exception près, « L’azur de mes ténèbres » qui est un texte 100% autobiographique. Celui-ci, il m’aura fallu 28 ans pour pouvoir l’écrire. On parlait tout à l’heure de l’angoisse de la page blanche. Là, c’est plutôt l’angoisse d’une page noire de ma vie que j’ai voulu tourner. Pour le reste, je crois que quand on prend le recueil dans son ensemble, l’humour et la dérision viennent très souvent compenser la noirceur du thème.



Vous aimez parler de la mort dans vos livres, un peu comme Giorgio Todde ?



Oups ! Désolé, je ne connais pas l’auteur que vous citez… Il est toujours vivant ? ( ;-o). Non, non ! Je n’aime pas particulièrement parler de la mort… C’est quelque chose qui est venu comme ça et qui a pris tout son sens au regard de l’actualité dont nous parlions tout à l‘heure. Maintenant, quel est le propre d’un auteur de fiction sinon ce droit divin qu’il s’accorde de disposer de la vie de ses personnages ? C’est tout de même un pouvoir immense, vous ne trouvez pas ? Tant qu’à faire, je préfère être écrivain que tueur en série… C’est peut-être moins médiatique mais globalement plus supportable à vivre d’un point de vue moral ou… pénal ( ;-o)



C’est un recueil très noir mais qui avec Moi 009 se conclue par la plus belle des choses, le grand espoir… Vous ne vouliez pas trop plomber votre lecteur ? Ca donne le ton du prochain recueil à venir ?



C’est certain : le ton du prochain recueil sera beaucoup moins noir puisque sa couverture sera à dominante orange ! ( ;-o). Plus sérieusement, oui, cette nouvelle vient en fin de recueil pour lui donner un caractère optimiste. C’était une volonté délibérée qui illustre ce que je vous disais plus haut : cette mort annoncée pour chacun d’entre nous devrait être vécue comme un énorme élan vital. Ceci dit, j’espère que les lecteurs du « Petit traité… » n’auront pas eu besoin de cette dernière nouvelle pour ne pas se sentir « plombés ».



Alors, sans les prendre toutes une par une, parlons de la genèse de quelques-unes de ces nouvelles ? “In memoriam“, d’où est venue l’idée d’une personnalité qui se déconstruit avec la mort des êtres qu’il connaît ? “De sang froid“, c’est une belle variation, le genre d’exercice de style qui vous plaît ?



« In memoriam » est avant tout le fruit de la réflexion d’un quarantenaire qui fait un point intermédiaire sur son existence. J’ai fait le constat que tout ce que je suis aujourd’hui, je le dois avant tout à des rencontres. Tout au long de la vie, j’ai croisé des personnes qui m’ont apporté du matériau pour construire celui que je suis, et parfois à leur insu. Il y a les parents, bien sûr, les frères et sœur, les amis, les collègues, les profs, les amis, les relations amoureuses, et les autres, tous ces presque inconnus qui un jour, par un regard, un sourire, une parole, une simple main sur l’épaule vous ont donné l’envie ou la force d’aller de l’avant. Sans oublier ceux qui se sont mis en travers de votre chemin, qui vous ont fait des croche-pieds… Ce n’est pas un secret, l’adversité vous aide aussi ! « In memoriam » était une sorte d’hommage à toutes ces personnes, une manière de leur dire merci.



« De sang froid » est effectivement un exercice de style. J’aime beaucoup jouer avec les mots, leurs doubles sens parfois schizophrènes. Quand on songe que « tu es » « tu hais » ou « tuez ! » peuvent s’inter-changer, ça fait froid dans le dos vous ne trouvez pas ?



Et pour finir, quels sont vos projets ?



Tout d’abord un nouveau recueil de nouvelles à paraitre au mois de mai, « Crises de foi » chez le même éditeur. Douze nouvelles qui, je l’espère, ne seront pas trop indigestes sur le thème du « doute » : l’amour, la confiance en soi, l’existence du Père Noël, de Dieu, du Diable, la croyance en un avenir meilleur, ou le choix d’un simple itinéraire... Il y avait matière à assez de questions pour faire un recueil de nouvelles.



Ensuite mes projets dépendent de ma famille et passent par l’éducation de mes enfants. La vie, quoi… Et puis, peut-être trouverais-je le temps et la force de venir à bout d’un premier roman. Si je n’y arrive pas, et bien, ce n’est pas la mort, comme on dit !



Merci à vous…

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