Le Blog de Denis Sigur

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lundi 22 février 2010

Les chroniques de Cyrano

Voici un peu plus d'un an, j'ai accepté de tenir une chronique dans le mensuel protestant du Sud-Ouest "Ensemble". L'on m'y donnait carte blanche pour y écrire un billet d'humeur, une chronique hasardeuse, le nez au vent, sur ce qui me passerait par la tête.  Une invitation faite aprés la publication du "Petit traité de savoir vivre à l'usage de ceux qui vont mourir" dont la teneur, l'humour, l'ironie avaient été appréciés par plusieurs membres de la rédaction du mensuel. C'était risqué de leur part; d'autant plus qu'aucune contrainte ayant trait à la religion, ni aucune référence aux textes bibliques n'étaient exigées. Mais n'est-ce pas cela, au fond, une vraie carte blanche? Ceci dit cette toute puissante liberté avait aussi pour moi quelque chose de terrifiant. J'avais un peu l'impression qu'on me demandait de faire une numéro de trapèze sans filet et sans trop savoir ce que l'on attendait de moi. Je savais que je n'avais pas grand-chose à craindre si ce n'est de moi-même. Je connaissais l'ouverture d'esprit, la tolérance et le sens de l'humour qui caractérisent l'Eglise Réformée auxquels j'ai depuis rendu hommage à la fin de "Crises de foi". Bref, je me suis lancé vaille que vaille, sous le nom de plume de Cyrano et, ma foi (!), ce rendez-vous mensuel est devenu un exercice de style des plus plaisants. Le ton y est volontairement laïque, les sujets semblent tirés d'un inventaire à la Prévert...
Je voulais aujourd'hui vous en proposer un extrait:


Chronique vide de sens


« Mon capitaine disait que tout ce qui nous advient de bien ou de mal ici bas est écrit là-haut, sur le grand rouleau ». C’est à peu près ce que rappelle Jacques, mon ami Jacques*, ce diable d’homme, à qui veut bien l’entendre.

Je pense que c’est vrai. Fondamentalement vrai. La vie est comme un grand arbre dont chaque branche, chaque rameau, chaque pousse mène vers le Ciel. Le choix de telle ou telle branche importe peu à l’écureuil qui veut grimper jusqu’au faîte de l’arbre. Bien sûr, il y a toujours les accidents de la vie, les mauvais choix possible pour atteindre l’inaccessible étoile. « Donnez-moi quatre planche pour me faire un cercueil/ Il est tombé d’la branche le gentil écureuil » chantait Trenet…

Tout n’est qu’illusion. Tout n’est que chimère, et comme disent les bouddhistes, la Forme est vide et le Vide est forme…

Et nous là dedans ? Pauvres humains qui croyons être maîtres de notre destin ! On pense construire et certains s’aventurent même à construire des systèmes de pensée… Nous ne sommes pourtant que des bulles de savon, promenées, baladées dans l’espace du Vide que nous engendrons. Le monde, notre monde, celui que notre société s’est construit, celui de la communication à tous vents, du téléphone portable, de Facebook, du numérique, du tout technologique, du pathétique à l’étique plastique… Ce monde là n’est qu’un vaste espace creux. Et nous, pauvres bulles qui voletons à l’intérieur, nous ne sommes nous même constitués que de vide. Lorsque ces bulles disparaissent, lorsqu’elles éclatent, tout, absolument tout, retourne au néant originel comme un tube cathodique qui rend l’âme. Pfuittt….

J’ai beau essayer donc, de me pencher sur un avenir quelconque, d’avoir la pré-science de ce qui pourrait advenir dans les minutes ou les jours à venir, je ne vois rien, je ne sens rien, je n’imagine rien…

Et soudain, je sens un poids sur ma poitrine qui m’oppresse ; comme une énorme, une massive bulle de savon qui grandirait et finirait par m’écraser…

Quelle ironie du sort ! Mourir écrasé par une masse de vide ! Voilà qui est tout à fait scientifiquement incorrect !

Mais je délire ; tout ceci, me direz-vous, n’a pas de sens. Tiens, cela me fait penser qu’il y a une vingtaine d’années j’avais écrit une nouvelle débutant par cette phrase : « La vie n’avait pas de sens ; Par conséquent, en descendant du bus, il ne savait pas vraiment quelle direction prendre ».

Le non sens, le sens de l’absurde… Et si, finalement, c’était cela, cet improbable sixième sens dont le Fantastique nous rabat les oreilles ?

Cyrano

* « Jacques le fataliste », Denis Diderot

1 commentaire:

  1. De l'existant connu : Nous ne sommes rien et nous essayons de devenir apres avoir survecu. Si nous pouvons devenir tout, nous ne sommes pas differents de l'environnement (cause) et de l'objet (consequence) qui nous faconnent. Fabricant(e)s de bulle(s), nous essayons de la (les) faire durable(s), grosse(s) et belle(s) tout en sachant que le but est de reposer en paix. 1 apprenti journaliste : ilhanbejar at gmail dot com

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